Covid-19 : Maintien des garanties de protection sociale complémentaire
I – Le cadre juridique préexistant
Les garanties collectives en frais de santé et en cas de décès incapacité/invalidité souscrites par un employeur au profit de ses salariés bénéficient d’un traitement social de faveur : la contribution patronale versée à l’organisme assureur pour financer ces garanties est exonérée de cotisations sociales, à condition de remplir un certain nombre de conditions[1].
En particulier, les garanties doivent présenter un caractère collectif pour l’ensemble du personnel. Par dérogation, les garanties peuvent être prévues au profit d’une catégorie de salariés, là encore sous certaines conditions.
Dans le cadre de l’appréciation du caractère collectif des garanties, la Direction de la Sécurité Sociale exige de longue date que les garanties soient maintenues au profit des salariés dont le contrat de travail est suspendu et qui bénéficient d’un maintien de salaire ou d’indemnités journalières complémentaires (IJC) financées en partie par l’employeur[2].
En pratique, ces dispositions visent toutes les périodes de suspension liées à une maladie, une maternité ou un accident, dès lors qu’elles donnent lieu à maintien de salaire ou à indemnisation.
La Direction de la Sécurité Sociale, Circulaire de 2009 a également posé les principes suivants :
- Tant la contribution de l’employeur que celle du salarié doivent être maintenues pendant toute la période de suspension indemnisée, selon les règles en vigueur, sauf cas de maintien gratuit prévu par l’acte fondateur des garanties en droit du travail et le contrat d’assurance. A défaut de respecter ces règles, l’employeur se trouve en risque de perdre le bénéfice des exonérations de charges sociales sur l’ensemble de la contribution patronale qu’il acquitte auprès de l’organisme assureur.
- Dans tous les autres cas, l’employeur n’est pas obligé de maintenir les garanties[3].
En conséquence de cette doctrine, la plupart des actes juridiques fondateurs des dispositifs de protection sociale complémentaire en entreprise et les contrats d’assurance prévoient contractuellement que les garanties seront maintenues en cas de suspension du contrat de travail donnant lieu à un maintien de salaire ou à une indemnisation financée en partie par l’employeur.
II – Dernières Evolutions
Dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, le législateur a été amené à instaurer une obligation de maintenir les garanties de protection sociale complémentaires au profit des salariés placés en activité partielle pour une période courant du 12 mars au 30 juin 2021[4]. Ce maintien est d’ordre public : ces dispositions s’imposent aux employeurs et aux organismes assureurs quelles que soient les clauses des actes juridiques fondateurs de ces garanties en entreprise et/ou des contrats d’assurance.
La Direction de la Sécurité Sociale a précisé que ces dispositions s’appliquaient également aux salariés placés en activité partielle de longue durée et a détaillé les règles applicables[5].
La Direction de la Sécurité Sociale a décidé de pérenniser ce cas de maintien d’ordre public des garanties au-delà de la date limite du 30 juin 2021. Elle a diffusé une Instruction du 17 juin 2021, qui fait désormais de ce cas de maintien de garanties, une des conditions requises pour l’exclusion de la contribution patronale de l’assiette des cotisations sociales[6]. L’Instruction procède également à une refonte de la doctrine administrative sur les maintiens de garanties et abroge, à cet effet, la Fiche n°7 de la Circulaire du 30 janvier 2009.
Enfin, dans le courant de l’été, le législateur adopté dans l’urgence la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire avec deux mesures phares, la mise en place du passe sanitaire, et l’obligation vaccinale pour tous les salariés et les agents publics du secteur sanitaire et social et certains personnels d’intervention (pompiers, personnels navigants et militaires de la sécurité civile, militaires)[7]. En cas de non-respect de l’une ou l’autre de ces obligations par un salarié ou agent public, l’employeur doit procéder à la suspension du contrat de travail ou des fonctions exercées[8]. Cette suspension entraîne l’interruption de la rémunération.
La loi prévoit qu’en cas de suspension du contrat de travail dans le cadre de l’obligation vaccinale, le salarié aura néanmoins droit au maintien des garanties de protection sociale et précise que ce maintien est d’ordre public[9]. Mais le texte ne dit mot des modalités de mise en œuvre de ce nouveau cas de maintien. Des précisions sont donc attendues de la part de la Direction de la Sécurité Sociale.
Les entreprises doivent d’ores et déjà mettre en œuvre ces maintiens de garanties afin de sécuriser les exonérations de cotisations sociales au titre de l’année 2021 et des années suivantes, et suivre avec attention la position à venir de la Direction de la Sécurité Sociale pour la mise en œuvre du maintien de garanties instauré par la loi du 5 août 2021[10].
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[1] Article L.242-1 II-4° et R.242-1-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale. Les garanties de retraite supplémentaire peuvent entrer dans le champ d’application des maintiens de garanties, mais la présente note, par souci de clarté, se limite aux garantis frais de santé et prévoyance décès/invalidité/incapacité. [2] Circulaire DSS 5B/2009/31 du 30 janvier 2009 Fiche n°7 (BOSS n°2009-2 du 15 mars 2009, p.296). Certaines dispositions de cette Circulaire ont été par la suite modifiées par une Circulaire DSS/3C/5B /2013/344 du 25 septembre 2013, mais la fiche n°7 relative à la suspension du contrat de travail était restée inchangée.
[3] Dès lors, l’absence de clause de maintien dans ces autres cas, n’a pas pour effet de remettre en cause le traitement social de faveur des contributions patronales : il s’agit notamment des cas de maladie ou de maternité n’ouvrant pas droit ni à un maintien de salaire, ni à des indemnités journalières complémentaires parce que les salariés concernés n’en remplissent pas les conditions, ainsi qu’à tous les cas de suspension pour des raisons autres que médicales (congés sans solde, congé parental etc….). Enfin, si dans ces cas non obligatoires, l’employeur décide néanmoins d’offrir un maintien de garanties, l’administration sociale indique, que pour le calcul des limites d’exonération, il a lieu de reconstituer une rémunération mensuelle égale au montant moyen des rémunérations perçues au cours des douze derniers mois précédant le congé. [4] Article 12 de la Loi n°2020-734 du 17 juin 2020 [5] Instruction interministérielle du 16 novembre 2020 DSS/3C/5B/2020/197 [6] Instruction interministérielle du 17 juin 2021 DSS/3C/5B/2021/127 qui abroge la fiche n°7 de la Circulaire du 30 janvier 2009. [7] Loi n°2021-1040 du 5 août 2021, articles 1 (modifiant l’article 1 de la loi n°2021-689 du 31 mai 2021), et article 12. [8] Idem, nouvel article 1 II-C de la loi n°2021-689 du 31 mai 2021 (issu de l’article 1 de la loi du 5 août 2021), et article 14 II et III de la loi du 5 août 2021. [9] Article 14 II et III, alinéa 2, dernière phrase. [10] Cette position pourrait prendre la forme d’une fiche qui serait diffusée dans la rubrique « protection sociale complémentaire » du tout nouveau Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (BOSS), mis en ligne depuis le 1er avril dernier.